ARTICLE SUD-OUEST

Publié le 23/06/2013 à 06h00 | Mise à jour : 23/06/2013 à 15h25
Par Odile Faure 

Inondations dans le Sud-Ouest :

"La plus forte crue du Gave de Pau depuis les années 50"

Le Centre pyrénéen des risques majeurs (C-Prim) travaille sur la culture du risque, car l’histoire se répète. Un expert décrypte cette dernière crue.

A Barèges dans les Hautes-Pyrénées, les dégâts sont considérables. Le gave a débordé de son lit (à gauche, entre les arbres et les barrières) et totalement ravagé une rue, emportant la chaussée pour y creuser son nouveau cours. 

« Sud Ouest Dimanche »: En quoi les inondations de ces derniers jours dans le Sud-Ouest ont-elles un caractère historique ?

Jérôme Souchard du C-PRIM : À l’échelle d’une vie humaine, pour les personnes qui ont moins de 70 ans, nous avons connu la plus forte crue du gave de Pau depuis les années 1950. Si on remonte plus loin, c’est une crue extraordinaire, mais, à l’échelle de vie de la rivière, nous sommes sur une crue relativement banale.


Quelles sont celles qui ont marqué les esprits ?

Pour le gave de Pau, à Pau, la référence est la grande crue de 1952, qui n’a pas fait de victimes. Le village de Siros était dans l’eau pendant deux jours. En amont de Lourdes, nous sommes sur une crue plus rare, il faut remonter au 26 octobre 1937, qui reste la crue de référence de la cité mariale dans les 150 dernières années. Le 18 juin, nous nous en sommes approchés en termes de débit et de hauteur d’eau. Les données du Schapi (1) l’estiment à 4,40 m à Lourdes.

Que nous enseigne l’histoire ?

L’avenir ! La nature est un éternel recommencement. Ce qui s’est passé a de fortes chances de se reproduire. La preuve, ces derniers jours. Ce n’était pas la première crue, et ce ne sera pas la dernière. Quand ? C’est la question. Il est cependant extraordinaire que le gave de Pau ait connu deux crues majeures (la dernière en octobre 2012) en moins d’un an.

Peut-on l’expliquer ?

Le hasard statistique météo. On sort d’une année exceptionnelle en pluviométrie, que ce soit en Béarn ou en Bigorre. Nous avons connu les six mois de l’année les plus pluvieux depuis les années 1940 et un hiver exceptionnel en termes d’enneigement. La neige a d’ailleurs été un facteur aggravant à tout point de vue. Celle qui reste est épaisse et très dure, ce qui provoque des ruissellements tout à fait importants. La pluie tombée sur cette neige glissait donc directement vers les cours d’eau au lieu de pénétrer dans les sols. Les sols étant par ailleurs gorgés d’eau et les réserves souterraines, pleines.

Peut-on prévoir les crues ?

La prévision, c’est le domaine de la météorologie. Grâce aux bulletins et aux alertes de vigilance de Météo France, le pays est au point. Dès lundi dernier, nous avons eu le niveau orange pour les orages puis rouge pour les crues. À Lourdes, la vigilance rouge laissait très peu de temps ; pour Pau, on disposait de quelques heures pour s’organiser. La seule chose légèrement sous-estimée a été la hauteur d’eau. Moi-même, je ne pensais pas que cela monterait si haut à Lourdes. Je tablais sur 3,80 m. À Artiguelouve, la prévision était à 2,80 m et on s’est retrouvé avec 3,30 m.

Comment prévenir une telle situation ?

L’éventail est très large. La première chose, c’est l’information. Connaître les risques de la nature, en l’occurrence les inondations. Les communes qui ont un plan de prévention des risques disposent de cette information, avec un zonage précis des secteurs concernés. Il faut le demander en mairie. Le long du gave de Pau, la plupart des communes ont un plan de prévention des risques d’inondation (PPRI). Celui de Pau est en cours. Les municipalités sont aussi censées posséder un document sur les risques majeurs - c’est obligatoire pour celles dotées de PPRI, et, pour les autres, c’est conseillé.

Ensuite, il y a la préparation et l’organisation. Les communes concernées par un PPRI ont mis en place un plan communal de sauvegarde ; une sorte de plan Orsec local qui permet de savoir comment on s’organise pour informer la population, la mettre en sécurité, l’héberger…

La population est-elle réceptive à l’information sur les risques ?

Le gros point noir, c’est l’impréparation individuelle. Malgré l’alerte de vigilance, des personnes se font avoir. Cela va de la voiture laissée sur le parking au bord de l’eau, aux meubles qui n’ont pas été montés pour anticiper l’événement. Il y a un manque de culture du risque de la part des individus, mais cela progresse. Mardi soir, en partant de Lourdes, je suis passé à Saint-Pé-de-Bigorre : au quartier du bas, la population avait déjà tout monté à l’étage, calfeutré les maisons avec l’aide des voisins et de la commune. Voilà une vraie préparation.

Comment peut-on progresser dans la culture du risque ?

Faire toujours davantage d’information, de formation… Des actions que l’on mène depuis plusieurs années. Nous le faisons auprès des plus jeunes ; pour les plus âgés, c’est compliqué, les derniers événements l’ont montré. Les trois victimes sont largement adultes et responsables de leurs actes. Dans leur drame, des imprudences ont été pointées par les secouristes.

Des pays sont-ils meilleurs dans la culture du risque ?

Oui, au Japon, en matière sismique, ils sont pionniers. Les États-Unis ont l’expérience des cyclones, ils sont très performants pour évacuer très vite des milliers de personnes. Ce qu’en France on serait incapable de faire. Pour Xynthia, on s’est interrogé sur l’absence d’opération d’évacuation, mais, en fait, l’immense majorité des gens ne seraient jamais partis de chez eux.

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